Quézako ? C’est ce qui a rendu un tour dans Bordeaux aussi beau ! Autrement dit : l’art et la manière de tailler et sculpter la pierre pour bâtir et orner.
Depuis l’Antiquité, les bâtisseurs utilisent la pierre pour édifier des monuments publics, qu’ils soient religieux, militaires, commémoratifs ou festifs. A Bordeaux, l’amphithéâtre est l’unique vestige encore visible de cette période. Sa particularité réside dans l’alternance de pierres en petit appareil, et assises de briques. Au Moyen-âge, on emploie des matériaux bon marché, comme le bois et le torchis, pour la construction des habitations ; la pierre de taille est surtout réservée aux édifices religieux et militaires. A la Renaissance, le torchis disparaît peu à peu, au profit de constructions en pierre de taille. Le métier de maçons tailleurs de pierre prend alors son essor et la stéréotomie devient à la mode. Au XVIIIème siècle, Bordeaux se transforme sous l’impulsion des Intendants : place de la Bourse, façade des quais, Grand-Théâtre, hôtels particuliers…les chefs-d’œuvre abondent : escaliers, balcons sur trompe, corniches…
Les carrières souterraines ou à ciel ouvert d’extraction de pierre calcaire comme matériau de construction pullulèrent. En 1848, il y avait environ 600 carrières en Gironde qui employaient plus de 2800 personnes pour extraire 450 000 m m³ de pierre chaque année ! Une fois extraites ces pierres étaient débitées en blocs réguliers puis vendues aux patrons des gabarres qui assuraient leur transport fluvial vers Bordeaux.
Les tailleurs de pierre travaillaient dans le matériau brut – alors que les sculpteurs font dans la finesse du détail – en taillant le fameux « doubleron bordelais » (64 x 32 x 32 cm, environ 100 kg) dans un bloc, transporté sur les cervicales des hommes par des « feschines » (sorte de matelassure de paille fortement compressée, enveloppée de toile et reliée à un bandeau frontal assez large, à voir exposées dans la Porte Cailhau) jusqu’en 1936 ! Leurs outils séculaires exposés dans la Porte Cailhau portent les noms d’esclope, gaffot, trace, coin de bois et taillant, fait pour extraire la pierre. Pour dresser la forme voulue, les maçons utilisaient une rippe et un chemin de fer, inventé à Bordeaux par la Maison Savignac à Mériadeck en 1870. Famille de renom puisqu’ils se transmettaient leurs savoirs de père en fils, depuis les plans dessinés de la Place de la Bourse, à celui de la Banque du Crédit Algérien…
Mais la Première Guerre Mondiale provoqua une pénurie de main-d’œuvre et une perte du savoir-faire. L’arrivée du béton armé, des syndicats, des congés payés et de l’assurance maladie entraina un coût excessif de production et par conséquent la disparition progressive des constructions en pierre de taille. La stéréotomie n’a pas vraiment survécu à la Seconde Guerre Mondiale.