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  >  Flâneries   >  Royan, la ville balnéaire avant l’Enfer

Souvent décriée pour son architecture moderniste, contrastant avec son ancienne réputation de station balnéaire ravissante, Royan a un passé trop tourmenté pour la juger aussi vite, découvrez donc ce qu’elle était avant de vivre l’Enfer de sa destruction durant la Seconde Guerre Mondiale.

Bien qu’habitée depuis des millénaires, les terres de Royan ne verront se développer un village qu’à l’époque gallo-romaine avec la venue de la vigne, l’élevage des huîtres et l’usage des marais salants, base de l’économie régionale, à tel point que notre grand poète Ausone y aurait eu une villa, c’est dire de son succès ! Qui attira les envahisseurs Wisigoths en 418 et Vikings en 844, des pillages dont il fut difficile de se remettre !

La chrétienté sauva ses terres, en effet, les seigneurs de Didonne et des alentours y firent construire les prieurés de Saint-Pierre et Saint-Nicolas à la fin du XIème siècle. La vie reprit son court, un petit bourg naquit autour de son château fort, surveillant le port de la plage de la Grande-Conche, source de richesse car les bateaux de passage y étaient taxés. Suivant la vie personnelle de notre Duchesse Aliénor d’Aquitaine, redevenue Reine, la région passa sous administration anglaise en 1154. Tout comme pour Bordeaux, la ville se vit dotée de « coutumes » de la part des Rois anglais de la lignée d’Aliénor, ses droits spécifiques lui permirent de s’administrer, édifier ses murailles, un donjon, et composer une sorte de mairie actuelle avec ses conseillers. Une fidélité dont le prix fut payé lors de la Guerre de Cent Ans, terres ravagées par les combats et changement d’allégeance, en 1451 Royan devint définitivement française, mais en ruine.

Grâce au commerce un nouveau bourg près de la plage apparut en cette fin de XVème siècle, mais c’était sans compter sur la venue des guerres de religion, où notre futur roi Henri IV y combattu. Avec l'Édit de Nantes elle devint un refuge protestant, à tel point que leur chef local Henri de Rohan envisageait de regrouper les protestants de l’Ouest- France en une confédération autonome ! Le roi Louis XIII ne put laisser passer de telles velléités séparatistes et lança l’offensive en Saintonge. Le premier siège de Royan commença, la violence des combats était telle que les chefs Royannais demandèrent grâce au roi, qui la leur accorda et soumit la ville le 11 mai 1622. Une fois celui-ci parti, les habitants se sentirent floués par leurs chefs et se révoltèrent en massacrant la garnison royale restée sur place. Apprenant cela, le Roi envoya de nouvelles troupes raser la ville et égorger une partie de sa population. Rien ne pouvait alors être reconstruit à la place de la forteresse, l’église même fut détruite, seuls les faubourgs de pêcheurs furent épargnés mais l’activité portuaire ne retrouva aucun prestige avant le XIXème siècle.

Son âge d’or arriva enfin ! Grâce à ses plages, son climat et sa position, elle était une perle de plus dans le collier de stations balnéaires que compte le littoral atlantique. En tant que centre de convalescence pour les soldats napoléoniens, les auberges et hôtels fleurirent progressivement dès le début du XIXème siècle, l’offre augmenta aussi vite que la demande avec l’arrivée des curistes en quête de bains de mer et des touristes bordelais pour la nouveauté, après tout, dès les années 1820 des bateaux à vapeurs nous liaient ! L’aménagement urbain et portuaire se fit tout au long des années 1820 et 1830 pour plus de commodités, le premier casino ouvrit de 1843 à 1885 ! Il fut remplacé par un plus grand encore, conçu par Alfred Duprat, le père de notre Cyprien Alfred Duprat qui a tant fait pour Bordeaux (cf. notre article) … Mais ce fut l’architecte parisien Gaston Redon qui y construisit le plus grand casino du pays en 1895 ! Les rues furent pavées, l’éclairage public arriva en 1854, le train direct depuis Paris en 1875, amenant avec lui sa vie mondaine et ses célébrités. La Première Guerre Mondiale fut un frein au tourisme balnéaire bien entendu, mais l’activité reprit dès les années 20 lorsque Royan fut classée « station climatique d’été ». Face à la croissance démographique et de la demande touristique – allant jusqu’à multiplier par 4 la population en été – il fallu moderniser la ville et la doter de nouvelles infrastructures, poussèrent alors les cinémas, les magasins, les hôtels, les villas… Rien n’était trop beau pour recevoir Sacha Guitry, Léon Trotsky, Pablo Picasso… qui y vécut une année jusqu’à ce que l’Occupant allemand déclare les étrangers indésirables à Royan et soit obligé d’en partir. L’Enfer approche.

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