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Aujourd’hui, Promenades à Bordeaux vous propose un deuxième épisode sur ce que le Port Raconte, cette fois-ci des Histoires de Naufrages ! Une balade imaginée et commentée par Hela Mansour, Directrice de Bordeaux Walking Tours.

Ce sont souvent les histoires de commerces et d’aventures qui sont racontées, les succès acquis et les noms glorieux d’entrepreneurs, mais tous n’ont pas fait fortune depuis le Port de Bordeaux ! Il y eut des naufrages causés par des tempêtes, des pillages, des avaries liées à des erreurs humaines de manutention des navires – de vrais gâchis ! – et bien sûr le rôle du Port Autonome de Bordeaux durant la Seconde Guerre Mondiale, primordial pour les forces armées de l’Axe afin de mener la guerre sous-marine de l’Atlantique, et son sabotage planifié avant la Libération de la ville. Ces marées envoient des reflux décidément bien amers.

Un quai, une rive, l’horizon maritime a toujours été source de rêves, de désirs et d’inquiétudes. Se reverra-t-on ? Vont-ils réussir dans ces contrées lointaines aux populations hostiles ? Les marées sont animées par le reflux des sentiments qu’elles suscitent. C’est ce dont nous allons parler aujourd’hui. Quelles sont vos histoires tragiques liées à nos eaux capricieuses ?

Puisque l’on dit parfois « le malheur des uns fait le bonheur des autres » je vais commencer par cette anecdote. En janvier 1627, une flotte portugaise revient des Indes avec les cales remplies d’épices, d’ivoire, de bois précieux, de perles, coton, soie, porcelaine, canons et un coffre de diamants destiné à la Reine d’Espagne. Pris dans une tempête du Golfe de Gascogne, les bateaux s’échouent les uns après les autres le long des plages de Saint-Jean-de-Luz à Cap-Breton, et même jusqu’au Cap Ferret ! Il y aura plus de 2000 morts et seulement 300 survivants recueillis par les basques et landais. Durant les jours suivants, les pilleurs d’épaves égrenèrent les plages pour récupérer tout ce que les marées rabattaient, ainsi les joailliers de Bordeaux firent fortune et le Duc d’Epernon, Gouverneur de Guyenne s’offrit personnellement les 7000 diamants ! Le Portugal aux abois ne fut jamais dédommagé alors qu’il avait perdu une partie de sa bourgeoisie marchande, la fine fleur de sa noblesse, des capitaines et marins de renoms, 2 beaux navires de commerce et 5 navires de guerre !

C’est détestable ! Une histoire moins désagréable je te prie !

Celle du Comte de Broglie alors ? Anglophobe pur jus, il paya et arma un navire, la Victoire, pour prêter main forte aux insurgés américains en 1777. A 19 ans, le jeune marquis de La Fayette embarqua clandestinement avec ses hommes pour faire le laborieux voyage de 2 mois et livrer les armes en Caroline du Sud. En échange de denrées alimentaires et coloniales pour Saint-Domingue, mais en quittant le port de Charlestown le bateau coula par accident ! La Fayette reviendra en 1780 à bord de l’Hermione pour contribuer à nouveau à la guerre d’indépendance des USA !

Quels sont les naufrages dus à des erreurs humaines ?

Et bien le 28 septembre 1869, un mégot jeté négligemment dans un bateau rempli de naphte a pris feu et l’incendie s’est propagé aux navires voisins, toute une nuit de flammes a ravagé la rade de Bordeaux, une vingtaine de navires coulent, une trentaine sont endommagés et devront passer dans nos chantiers pour réparation, 3 millions de francs de dégâts, 20 % du port touché mais aucun mort !

En avril 1903, le Chili accoste aux Chartrons, mais un hublot est laissé ouvert, amarré trop court lors de la marée montante le bateau penche et prend l’eau par le hublot, il restera incliné, mâts au-dessus du quai pendant 3 mois jusqu’à ce qu’en juillet il puisse être renfloué.

Le France II sort des chantiers navals bordelais en 1913, moins d’un an après la tragédie du Titanic, et se présentent pourtant comme le plus grand, beau et confortable voilier du monde, un 5 mats destiné à transporter le nickel de Calédonie jusqu’à nous. Il battit des records pendant quelques années, servit pendant la Première Guerre Mondiale mais finit négligemment par s’encastrer en janvier 1922 dans une barrière de corail de Nouméa où il repose toujours, en lambeaux.

Et le plus coûteux fut l’incendie apparemment criminel de l’Atlantique, paquebot de luxe, merveille d’art-déco qui sortit des chantiers navals de Saint-Nazaire en 1930, le summum de l’élégance pour l’époque puisque juste avant le Normandie. Son port d’attache est Bordeaux alors qu’il ne peut y accoster, c’est depuis Pauillac qu’il part et prend feu, les membres d’équipage tentent de le maîtriser mais il continue à naviguer, enfumé et faisant bouillonner la mer autour de lui, il arrive à Cherbourg dévasté, 19 morts dont 5 bordelais, il y restera 3 ans avant d’être démantelé car trop coûteux de le restaurer.

Quel gâchis ! Il y a notamment eu beaucoup de navires commerciaux qui ont souffert de la Guerre de l’Atlantique, où Bordeaux a eu un rôle majeur…

Effectivement, pendant 36 mois les sous-marins italiens et allemands ont traqué les navires alliés dans l’océan Atlantique. Sur 185 missions, 101 bateaux de commerce ont été coulés, et seule la moitié des sous-marins en sont revenus.

Puis il y a eu le sabotage du Port…

Oui, du 25 au 26 août 1944 les bordelais ont regardé, sans pouvoir intervenir, les nazis couler 202 navires de guerre et de commerce, de toute taille et nationalité, dans les passes navigables stratégiques de la Garonne et de la Gironde afin d’en bloquer l’accès. Une fois libéré de l’occupant, 2 ont été renfloué et réutilisé, environ 120 ont été dégagé jusqu’en juillet 1945 pour pouvoir à nouveau passer, mais 80 ont dû être dynamité ou découpé afin de libérer le passage ou s’enfoncer définitivement pour stabiliser les bancs de sable. C’est d’autant plus impressionnant que l’on peut encore en voir 3 à marée basse près des rives de la Bastide, et les autres sont encore bien visibles dans l’estuaire sur plusieurs kilomètres !

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