Construites pour justifier la possession de nos terres, nos bastides ont été au coeur des troubles politiques entre les Royaumes de France et d’Angleterre à la fin du Moyen-âge, découvrez ce qu’il en reste !
Une bastide est le nom désignant trois à cinq cents villes neuves fondées dans le Sud-Ouest entre 1222 et 1373, réparties sur 14 départements. Entre la Croisade des Albigeois et la Guerre de Cent Ans, les fondateurs des bastides furent des personnages de haut rang, tels que les comtes de Toulouse Raymond VII et Alphonse de Poitiers, les Rois de France Louis IX, Philippe III le Hardi, Philippe IV le Bel, les Rois d’Angleterre Henri III, Edouard I, II et III, ou encore leurs grands subordonnés les Sénéchaux Eustache de Beaumarchés et Jean de Grailly, agissant au nom et pour le compte de leur souverain, les seigneurs locaux et les autorités religieuses.
Les bastides furent à la fois la constitution d’un pouvoir politique et économique local et démocratique (avec un consulat, un marché, des foires, des poids et mesures, une milice), ainsi que l’établissement d’un « plan local d’urbanisme » dont la réalisation se fera pendant plusieurs siècles. Elles sont reconnaissables à leur forme : une place centrale carrée pour le marché, notamment sous une halle, de laquelle partent des rues en damier pour un ensemble homogène soit rond, carré ou ovale, certaines ayant eu un terrain escarpé ont dû s’adapter en forme ovoïdale autour d’une rue principale. On peut citer parmi les bastides les plus caractéristiques ou les mieux conservées du point de vue architectural celles de Monflanquin, Monpazier, Grenade, Mirande ou bien encore la ville basse de Carcassonne !
Mais nous nous intéresserons aujourd’hui aux 8 bastides girondines !
La petite bastide de Blasimon fut fondée en 1273 par les Anglais, elle ne conserve qu’une jolie place à arcades et peu de quartiers en damier, elle est aussi discrète que sa plus proche voisine à Pellegrue. Fondée au XIIIème siècle elle est de celles qui conservent une halle sur sa place centrale bordée d’arcades, celle de Monségur datant de 1265 également tout en ayant une forme ovale ! Le quadrilatère de celle de Sauveterre-de-Guyenne fut établit en 1281 et conserve de belles portes de ses murailles détruites, tout comme celle de Cadillac – d’un an plus vieille – qui a été tant remodelée sous l’occupation française qu’il n’en reste qu’un difficile plan médiéval, et quelques vestiges de fortifications. La bastide de Créon a de cela original qu’elle a une forme octogonale ! Datant de 1312, son parcellaire est encore très clair de nos jours bien qu’elle ait perdu ses murailles et sa halle. Tout comme l’hexagonale bastide de Libourne, fondée en 1270 par les Anglais – comme toujours par chez nous -, qui était la plus vaste d’entre toutes : de 600 à 800 mètres de côté ! Elle était le port direct des vins de Saint-Emilion et sa foire était aussi renommée que celle de Créon. Elle souffrira autant que Cadillac de l’occupation française et des réaménagements de la Renaissance. Et enfin la dernière, qui fut la première girondine en 1255 à vrai dire, celle de Sainte-Foy-la- Grande est une petite merveille dont le tracé est complet, très quadrillé et encore parsemé de belles maisons à colombages, morceaux de murailles, et comble du charme, sa Charte a servie de modèle pour les autres ! Un exemple d’urbanisme, de citoyenneté et de vie en commun, aux Portes du Périgord et de l’Agenais !
Décidément, nos développements urbains du XXème siècle – pour peupler les banlieues de nos grandes villes ou établir de nouveaux villages dans les campagnes – auraient mieux fait de prendre exemple sur ce qui avait été esquissé sept siècles plutôt !
Par Alexandre Sentucq
Crédit photo : tourisme.fr