Construit en 1825 par MM. Chantal et Despirou, « Le Chapon Fin » fut d’abord un simple restaurant et marchand de vins, avant de devenir, au fil des ans, un monument de la gastronomie française, une fierté bordelaise.

Aux premières heures du XXe siècle, négociants bordelais, riches voyageurs des transatlantiques, prestigieuse clientèle du Café Anglais en route vers leur villégiature de la Côte Basque… tout le grand monde s’arrête à Bordeaux, au numéro 5 de la rue Montesquieu. Voisin du Théâtre Français, le Chapon Fin est une adresse gourmande et raffinée incontournable.

En 1901, dans un décor de la Belle Epoque officie un chef plein d’avenir, Joseph Sicart. Il a fait ses classes à Paris « Chez Laurent » puis au célèbre Café Anglais. C’est Louis Mendiondo, le propriétaire de l’époque, qui l’a recruté.

Sarah Bernhardt, Toulouse Lautrec, les rois Edouard VII et Alphonse XIII, Georges Mandel, Georges Clémenceau…artistes, peintres, écrivains, hommes politiques, tout le beau monde s’y donne rendez-vous et y a ses habitudes.

Le décor ? Le propriétaire l’a confié à un architecte novateur, Cyprien-Alfred Duprat. Mêlant alcôves et arcades, l’architecture offre de nombreux coins intimistes et invite à profiter d’un instant hors du temps. Ce style très arts décoratifs et cette cuisine d’exception attirent rapidement souverains et célébrités. 

Au cours du XXe siècle, dès qu’une guerre se déclenche, le gouvernement français se replie à Bordeaux. C’est d’ailleurs au Chapon Fin qu’en 1940, Georges Mandel, Louis Rothschild de son vrai nom, déclare lors de son arrestation qu’il souhaite « finir ses cerises » avant de rendre visite au Maréchal Pétain. 

La guerre et les restrictions viennent lentement à bout du Chapon Fin, qui ferme ses portes en 1960 : Joseph Sicart est âgé de 89 ans.

Premier restaurant de France pendant une soixantaine d’années, récompensé par trois étoiles dans la première édition du Guide Michelin de 1933, le Chapon Fin est confié à Sylvie Cazes depuis 2011, laquelle continue d’écrire de savoureux morceaux d’histoire.

Par Clothilde Massé