Classé au patrimoine Mondial de l’Humanité, le verrou établit par l’ingénieur – favori de Louis XIV – Vauban sur l’estuaire de la Gironde se compose de trois éléments : la Citadelle de Blaye sur la rive droite, le Fort-Pâté au centre sur une île, et le Fort-Médoc sur la rive gauche. L’objectif de ce trio était d’empêcher le passage des flottes ennemies en direction de Bordeaux, à savoir les Anglais.
Le Fort-Médoc fut implanté de 1689 à 1694 dans une zone marécageuse en bordure de Gironde. Il s’agit d’un fort isolé, trapézoïdal, flanqué de bastions reliés par des courtines en terre et défendu par des fossés inondables. Moins imposant que sa voisine d’outre-rive, il n’en était pas moins tout aussi bien équipé pour le siège, avec sa citerne d’eau, sa boulangerie, sa salle du chirurgien, la poudrière, le corps de garde et bien sûr la chapelle…
Au milieu du fleuve, le Fort-Pâté fut quant à lui construit entre 1690 et 1693 sur l’île de Blaye, dans l’alignement de la citadelle distante de 1400 m et du Fort-Médoc à plus de 1800 m à l’ouest. Ce fort ovale percé de 32 meurtrières a la forme d’une tour compacte de 12 m de hauteur, il fut bâti sur un radier en bois supporté par des pilotis ancrés dans le sol limoneux de l’île. Il n’a qu’une entrée côté sud, précédée d’un pont-levis et surmontée d’une bretèche. Au sommet, la plateforme équipée d’un corps de garde abrite une batterie d’artillerie pouvant tirer ses boulets par des canonnières qui furent murées au XIXème siècle.
La portée de tir des canons de la citadelle ne permettant pas de couvrir les 3 km de large de l’estuaire à cet endroit, l’instauration du verrou permit de le contrôler grâce aux tirs croisés. Dispositif redoutable et invaincu ! Bien qu’aucun des deux ne servirent véritablement aux guerres qu’ont pu connaître le pays depuis la fin du XVIIème siècle. Certain(e)s disent qu’ils étaient obsolètes, mais peut-être qu’en vérité ils sont depuis lors toujours aussi dissuasifs !
L’ouvrage principal et bien connu, puisque visité par des centaines de milliers de touristes chaque année est la monumentale Citadelle de Blaye. Edifiée entre 1685 et 1689 sur un éperon rocheux par l’architecte militaire François Ferry, en prenant pour base le château médiéval des Rudel datant du XIIème siècle, dont certains éléments subsistent et servirent de logis au gouverneur militaire. Ce demi-cercle hérissé de bastion doit 90% de son apparence à ses travaux du XVIIème siècle qui remplacèrent ses douves basiques en quatre bastions et trois demi-lunes, fer de lance du génie de Sébastien Vauban en matière de défense militaire. Puisque évinçant l’angle mort de tirs croisés à la base d’une tour ronde, les formes triangulaires n’épargnent ainsi aucun ennemi qui aurait franchis le glacis, puis les douves de la citadelle, sous le feu de 3 lignes de tir de cannons ! Ces aménagements ne furent pas sans bouleverser l’urbanisme médiéval de Blaye : la majeure partie de la ville fut détruite pour étendre le glacis et ses fortifications, ainsi que l’antique chapelle Saint-Romain, lieu de pèlerinage apprécié car ancienne nécropole des rois d’Aquitaine, et lieu d’inhumation de Roland de Blaye, neveu de Charlemagne, bien connu pour « la chanson de Roland » ! Faite pour la guerre dans sa structure et accueillant les logis de la garnison, les ateliers d’artisans, un hôpital militaire et une ferme, l’ensemble devait pouvoir être autonome en cas de siège, ce qui arriva une seule fois en 1814, lorsque les Anglais basés à Pauillac pilonnèrent la cité durant plusieurs jours, le Commandant français Merle n’accepta la cessation de la résistance que lorsque Napoléon Ier abdiqua lui-même et que le roi Louis XVIII monta sur le trône ! Elle fut aussi le lieu de détention de prêtres réfractaires lors de la Terreur, et connue notamment la duchesse du Berry Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, mère du Duc de Bordeaux, qu’elle tenta de faire Roi, mais ça, c’est le sujet de la semaine prochaine !